L’obésité connaît “une augmentation qui est forte dans les classes d’âge les plus jeunes”, a résumé Annick Fontbonne, épidémiologiste à l’Inserm, lors d’une conférence de presse. En effet, la prévalence de personnes obèses a été multipliée par 4 chez les 18-24 ans depuis 1997, et par 3 chez les 25-34 ans. Avec 17% de personnes atteintes d’obésité, dont 2% atteintes d’obésité sévère, la France reste encore loin derrière les Etats-Unis pour lesquels ce taux dépasse les 30%, mais pour combien de temps ? La prévalence de l’obésité a été estimée tous les trois ans en France de 1997 à 2012, par les études Obépi-roche. Considérant l’importance de suivre l’évolution du surpoids et de l’obésité, qui font partie des risques sanitaires et économiques majeurs dans le monde, la Ligue contre l’obésité a décidé de reprendre ce modèle et d’en actualiser les résultats afin de produire des estimations différentes de celles de l’OMS et comparables pour la France sur le long terme.
Chez l’adulte, il y a surpoids quand l’indice de masse corporelle (IMC) est égal ou supérieur à 25 et obésité quand l’IMC est égal ou supérieur à 30. Pour les enfants, il faut tenir compte de l’âge pour définir le surpoids et l’obésité.
L’obésité est un enjeu majeur de la santé publique en France
L’obésité est considérée comme une maladie chronique par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1997, et plus récemment par l’Union européenne depuis 2004. Plus largement, l’excès de poids est un enjeu de santé publique majeur en France. “Au contraire des espérances tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé, depuis la mise en œuvre du Programme national nutrition santé en 2001, l’obésité en France ne fait que s’accroître, année après année”, soulignent Annick Fontbonne et David Nocca. Les campagnes de santé publique telles que la mise en place du Nutri-Score, ou mangerbouger.fr semblent “efficaces mais encore insuffisantes”.
Évolution de la prévalence de l’obésité par groupes d’âge science for kids (étude Obepi-Roche 1997-2012 avec ajout de l’étude Obepi-Roche LCO 2020)
L’une des conclusions notables de cette étude, initialement menée en 2020, est la variation du taux de prévalence de l’obésité selon les régions françaises. Cette répartition reflète des réalités socio-économiques déjà connues : les régions les plus pauvres sont souvent les plus affectées par les maladies chroniques comme l’obésité. On l’observe sur cette carte de l’étude, la région Hauts-de-France, qui compte parmi les régions les plus pauvres de France avec un taux de pauvreté à 18% selon l’Insee, connait également une prévalence de l’obésité dépassant les 20%. A l’inverse, la région Pays de la Loire a un taux de pauvreté inférieur à 11%, et une prévalence de l’obésité parmi les plus basses, à 14,4%. Du côté de la répartition en fonction de la catégorie socioprofessionnelle, la prévalence de l’obésité est plus élevée chez les ouvriers (environ 18%), que chez les cadres (9,9%).
Distribution régionale de la prévalence de l’obésité (étude LCO 2020 Obepi- Roche)
L’alimentation est mise en cause. “Les gens ne sont pas addicts à la mauvaise bouffe mais ils sont incités à en acheter parce que c’est moins cher”, relève Mme Fontbonne. Les chercheurs dénoncent une société obésogène, qui n’incite pas à privilégier une alimentation saine. Le contexte économique actuel n’aide pas, avec une inflation annuelle de 12% en moyenne sur les produits alimentaires selon l’Insee, en 2022. L’association Familles Rurales conseille par exemple de réduire sa consommation de viande rouge, et d’y préférer les “légumineuses injustement boudées par les consommateurs”, dont l’inflation n’est “que” de 3,8%.
Des traitements efficaces, conditionnés à un accompagnement global
L’objectif de la prise en charge de l’obésité est d’éviter ou faire disparaitre certaines comorbidités fréquentes, comme le diabète ou l’hypertension par exemple. Cela passe par la perte de poids, mais aussi la conservation d’un poids de forme à long terme, grâce à un accompagnement global et personnalisé. Sur le plan médicamenteux, de nouveaux traitements s’annoncent prometteurs. Ils combinent des hormones intestinales appelées “incrétines”, connues pour favoriser la sécrétion d’insuline et permettent de diminuer la sensation de satiété dans le système nerveux central. Un deuxième traitement issu de la médecine de précision permet de cibler les obésités génétiques rares et très sévères débutant dès l’enfance. Les données sur les risques d’effets secondaires et l’efficacité à long terme de ces traitements restent encore à développer avant leur mise sur le marché.
En dernier recours, certains se tournent vers des interventions chirurgicales bariatriques, permettant de perdre jusqu’à 25% de son poids total. Ces techniques sont rapides et durables mais plus invasives. Le choix de la meilleure stratégie thérapeutique se fait dans tous les cas de manière individuelle pour chaque patient.
Ces techniques innovantes sont prometteuses mais demeurent indissociables d’une “prise en charge globale”, appuie le Professeur Nocca. Cet accompagnement multidisciplinaire se traduit par un suivi médical par des médecins, kinésithérapeutes, mais aussi un aménagement du domicile et du quotidien du patient. Le régime et le suivi nutritionnel sont essentiels mais doivent être accompagnés d’une activité physique régulière adaptée à l’individu et à ses capacités. Un suivi psychologique est également un facteur majeur à prendre en compte et à ne pas minimiser. Là aussi, les pouvoirs publics ont une grande responsabilité selon les chercheurs, autant sur le plan alimentaire, que sur d’autres volets plus économiques et environnementaux. L’objectif est d’inciter, mais aussi de permettre aux individus de modifier leurs modes de vie, vers moins de sédentarité.